La rupture avec le libéralisme passe par la rupture avec l'euro

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bourseLa faillite des politiques économiques libérales est patente. Les protestations contre ce mode de développement fondé sur l'effondrement de la puissance publique et le triomphe des lois du marché sont de plus en plus nombreuses. Des majorités se font élire sur la promesse de réguler le libéralisme et d'en corriger les excès. Cependant, chacun constate aisément que ces promesses restent toujours lettres mortes et qu'une fois au pouvoir ces majorités semblent comme happées par l'implacable machine libérale. Il faut tenter de comprendre pourquoi.

Il nous semble évident qu'une rupture avec le libéralisme passe nécessairement par une rupture avec l'euro, merveilleux outil conçu dès l'origine pour rendre inéluctable la voie libérale. Et tant que cette rupture avec l'euro ne sera pas assumée, alors il sera illusoire de croire qu'une autre politique sera possible.

Effectivement, la monnaie unique, c'est le projet libéral en version sonnante et trébuchante :

* dès le départ, les institutions bancaires, financières, boursières et leurs relais politiques ont activement oeuvré à la mise en place de l'euro. Pour vendre le projet, l'argument ultime de la paix et de l'amitié entre les peuples (symbolisée par la monnaie bien sûr...) nous a été asséné à longueur d'ondes. Cependant, beaucoup à l'époque pressentaient déjà l'escroquerie...

* en 1992, pour permettre la naissance de l'euro, des critères extrêmement restrictifs et d'inspiration libérale évidente (inflation contenue, budgets étroitement surveillés, etc.) ont permis sous prétexte de monnaie unique d'infliger aux pays européens une cure de libéralisme, à base de désengagement de l'Etat pour permettre l'équilibre budgétaire (jamais atteint d'ailleurs), à base de déréglementations à tout-va pour faciliter l'émergence d'un grand marché unique, etc. Nous payons encore aujourd'hui le prix de cette politique brutale, stupide et surtout totalement inefficace puisque la zone euro s'est peu à peu enfoncée dans la croissance molle et le chômage de masse, sans plus jamais en sortir. Bref, l'euro comme vecteur du libéralisme, ce n'est plus à démontrer ;

* une fois l'euro officiellement né, il a fallu "maintenir l'effort" (libéral il va sans dire), afin de permettre une convergence des politiques économiques européennes. D'où la fuite en avant vers toujours moins d'Etat, toujours plus de déréglementation et de précarité. Mais euro oblige, nous n'avons pas le choix !

* par ailleurs, en nous privant de la capacité de gérer la monnaie, un instrument économique pourtant capital, il n'est matériellement plus possible de mener de vraies politiques de relance en se fondant sur le seul instrument budgétaire, comprimé de surcroît sous la pression de l'euro et du Pacte de stabilité qui va avec. Dès lors, seule la politique libérale reste possible, celle du désengagement et de l'impuissance. De ce point de vue, l'euro représente bien un carcan libéral qui explique pourquoi toutes les forces libérales d'Europe, bien représentées à la Commission, ne souhaitent pour rien au monde qu'un débat sur l'avenir de la monnaie unique se développe ! Comme elles avaient soutenu férocement le cercueil libéral que représentait la Constitution, ces mêmes forces défendent avec autant d'acharnement un des piliers principaux du Temple libéral, l'euro !

Voilà pourquoi la rupture avec le libéralisme ne restera qu'un mot si elle ne s'accompagne pas d'une rupture avec l'un de ses principaux vecteurs, l'euro. Il n'est point question de paix ou d'amitié, ne tombons pas dans les pièges grossiers qu'on nous tend, mais il est question de politique au sens noble du terme, c'est à dire de la capacité que nous avons de faire des choix pour l'avenir.

Publié dans Analyses

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